Communiqué
les Universités de Neuchâtel et de Lausanne participent à la lutte contre l'effet de serre
Neuchâtel, Lausanne, le 3 février 2009. Au cours du XXe siècle, la concentration, dans l'atmosphère, du gaz carbonique, principal responsable de l'effet de serre, a augmenté de 35%. A côté des mesures visant à diminuer la consommation de carburants fossiles, un système biologique, combinant la photosynthèse par des arbres et la formation de calcaire dans des sols tropicaux acides a été découvert par une équipe interdisciplinaire (en géologie et en microbiologie) de chercheurs de l'UniNE et de l'UNIL. Un seul arbre suffirait à stabiliser la concentration de CO2 dans la colonne d'air située au dessus d'une surface de 1000 m2. Cette recherche est soutenue par le Fonds National de la recherche scientifique et, dès cette année, par le programme-cadre de l'Union européenne FP7 (projet CO2SolStock).
Le CO2 est le principal responsable de l'effet de serre, dont l'augmentation est la cause potentielle de changements climatiques futurs. Sa concentration est passée en un siècle de 280 à 380 cm3 / m3, soit une augmentation de 35%. Le piégeage de ce gaz dans l'atmosphère par des moyens physiques ou chimiques demanderait une énergie considérable. Grâce à l'énergie de la lumière, les plantes le font continuellement, en le convertissant en biomasse. Mais celle-ci n'est qu'un réservoir de carbone transitoire: sa décomposition par les microorganismes libère à nouveau le CO2 dans l'atmosphère.
Des chercheurs des Universités de Neuchâtel et de Lausanne, sous la direction des profs. E. Verrecchia (Géochimie de la biosphère) et M. Aragno (Ecologie microbienne) ont mis en évidence un processus naturel permettant de fixer le carbone dans le sol sous une forme beaucoup plus stable que la biomasse, le carbonate de calcium (calcaire), dont le temps de résidence peut atteindre un million d'années. Ce processus de biominéralisation, la voie de l'oxalate-carbonate, implique des champignons et des bactéries dans la litière et le sol sous les arbres. M. Aragno présentera ces résultats début février lors de l'assemblée annuelle de la Société suisse de pédologie.
Pour commencer, les arbres, par le biais de la photosynthèse, accumulent des quantités importantes d'un métabolite, l'oxalate de calcium. Il s'agit d'un sel organique très peu soluble, qui forme des cristaux dans les tissus de l'arbre. Mais après décomposition de ceux-ci, ces cristaux ne s'accumulent pas dans le sol; en effet, ils sont solubilisés par des bactéries qui s'en nourrissent et convertissent l'oxalate, non seulement en CO2, mais aussi en ions hydroxyde, rendant le milieu alcalin. Dans ces conditions, le CO2 réagit avec le calcium pour former un précipité de carbonate de calcium. Ce phénomène a été observé en particulier dans des sols tropicaux acides, auparavant totalement dépourvus de calcaire. Dans ce cas, la précipitation représente un "puits" net du carbone issu initialement du CO2 atmosphérique. Des champignons sont associés à ce processus, en libérant les cristaux d'oxalate de la litière végétale ou en produisant eux-mêmes de l'oxalate.
Plusieurs arbres tropicaux, appartenant à différentes familles végétales, sont à même d'effectuer cette transformation, aussi bien en Afrique que dans l'Amazone. Un arbre comme l'Iroko (Milicia excelsa, famille des Moracées, qui donne un bois de haute valeur) fixe sous forme de calcaire l'équivalent de 10,8 m3/an de CO2. Au taux actuel d'augmentation de la concentration atmosphérique de ce gaz, une telle activité permet de stabiliser cette concentration dans la colonne d'air au-dessus d'une surface de 1000 m2.
Ce phénomène apparaît donc largement distribué dans la zone tropicale, où il pourrait donner lieu à des applications importantes, liées à la reforestation, à la gestion durable des forêts et à l'agro-sylviculture, tout en apportant une contribution significative à la lutte contre le réchauffement climatique. Une raison de plus de conserver et de développer la forêt tropicale !
Contact
Prof. Michel Aragno
Laboratoire de Microbiologie
Institut de Biologie
Faculté des Sciences
Université de Neuchâtel
[email protected]
Tél. 079.756.55.86
Prof. Eric Verrecchia
Laboratoire de Géodynamique de la biosphère
Institut de Géologie et Paléontologie
Université de Lausanne
Anthropole
1015 Lausanne
[email protected]