Communiqué
Droit d’auteur : mieux responsabiliser les gérants de sites internet
14 février 2013
Lauréat du Prix UniNext 2012 décerné par l’Association des anciens étudiants de la Faculté de droit de Neuchâtel, Stéphane Sessa esquisse quelques pistes pour remédier au flou juridique entourant le téléchargement d’œuvres musicales en Suisse. Et si l’on demandait des comptes aux gérants des plateformes d’échanges de fichiers ? Une proposition issue de son travail de Master entrepris sous la houlette du Prof. Vincent Salvadé. Elle est livrée en marge de la journée des start-up qui se tiendra le 15 février à l’Université de Neuchâtel et qui sera consacrée à la propriété intellectuelle.
« A l’heure actuelle il n’existe aucune loi spéciale ou unique traitant du sort des œuvres sur internet, constate d’emblée le jeune juriste. Aucune autre loi du reste ne s’intéresse aux différents domaines de la propriété intellectuelle dans ce contexte. Les droits d’auteur restent bien souvent négligés sur les différents réseaux nationaux et internationaux, les œuvres étant copiées, partagées et revendues sans l’accord de leur auteur et sans que ce dernier ne tire bénéfice de l’usage fait de ses œuvres. »
Le thème de son travail de master a trouvé sa source dans un postulat de la Conseillère aux Etats Géraldine Savary demandant à juste titre si « la Suisse a besoin d'une loi contre le téléchargement illégal de musique ». La réponse pour le moins laconique du Conseil fédéral qui est tombée fin novembre 2011 a laissé Stéphane Sessa sur sa faim, qui se plaît d’ailleurs à la résumer par « Cachez donc ce téléchargement que je ne saurais voir ! ». Car même si les particuliers de Suisse sont friands de téléchargements à partir de sources illégales, le gouvernement helvétique considère que cette pratique ne lèse que négligemment les entreprises situées en Suisse et préconise le statu quo, en raison des nombreuses incertitudes entourant l’évolution du phénomène et de la technique.
Stéphane Sessa, lui, s’insurge devant le pillage systématique du répertoire musical mondial organisé au détriment des auteurs. Dans cette zone de non-droit qu’est l’internet, où les plus faibles sont les premiers à perdre des plumes, les autorités ne peuvent pas rester les bras croisés, argue-t-il. Car des solutions existent. La mesure la plus naturelle serait de demander des comptes aux gérants des plateformes internet. Elle s’inspire d’une pratique tirée du monde du travail régie par l’article 55 du code des obligations.
« Imaginez un ouvrier qui fait des réparations dans une maison et qui cause des dégâts, illustre le juriste. Le propriétaire de la maison va demander un dédommagement non pas à l’ouvrier, mais à son employeur.» De manière similaire, un auteur ou une société représentant celui-ci (comme la Suisa) pourrait réclamer des droits au gérant du site internet à partir duquel une œuvre musicale aura été illicitement utilisée, sans avoir à prouver qu’il est en faute. Libre ensuite au gérant de se retourner contre l’utilisateur qui aura procédé à la violation.
« Ainsi, pour toute plateforme d’échanges active sur Internet ou d’autres réseaux, son gérant serait tenu pour responsable des dommages causés illicitement par les utilisateurs de ses services », résume Stéphane Sessa. Cette disposition laisserait toutefois la possibilité au gérant de se libérer de cette responsabilité s’il prouve qu’il a entrepris « toutes les mesures raisonnablement exigibles » pour prévenir le dommage. Et le jeune juriste d’espérer : « Cette solution offrirait l’avantage de ne pas pénaliser ou interdire les plateformes d’échanges en réseaux, mais de faciliter la réparation des dommages subis par les ayants droit. Ce nouveau devoir de diligence pousserait sans aucun doute les gérants de plateformes à plus de vigilance et au bannissement des usages peu scrupuleux de leurs services. »
Contact :
Stéphane Sessa
Master en droit
[email protected]
En savoir plus :
Le téléchargement d’œuvres musicales sur Internet : légiférer ou ne pas légiférer ?
Stéphane Sessa
Mémoire de master
Université de Neuchâtel, 2012
Mémoire de master à télécharger
Pôle de propriété intellectuelle et d'innovation