Communiqué

Le club sportif de quartier, une clé pour la vie en société

11 janvier 2024

Une thèse récemment soutenue à l’Université de Neuchâtel se penche sur les aspects relationnels et traditionnels d’un sport peu voire pas connu, le twirling bâton, un sport dérivé des majorettes. La sociologue Shia Manh Ly interroge le rôle de la vie associative comme un outil servant à développer une clé de lecture du monde. Ou comment le fait d’expérimenter une micro-société permet de devenir un membre de la société. 

Le twirling bâton, un sport populaire et local, est très peu connu du grand public. Pratiqué essentiellement par des femmes et des fillettes, il découle en quelques sortes des majorettes et emprunte à plusieurs disciplines «cousines» comme la danse, la gymnastique, ou encore le patinage artistique. 

Discipline populaire

Pour expliquer comment son choix s’est porté sur cette pratique sportive pour mener sa thèse financée par le FNS ainsi que la HES-SO domaine travail social et sous la direction des professeur-e-s Dominique Malatesta et Christophe Jaccoud, Shia Manh Ly détaille : «Certains éléments centraux dans les clubs de twirling bâton présentaient une résonance pour moi, à savoir la traditionnalité du féminin, l’entraide et le partage. Ces différentes valeurs m’ont intéressée et m’ont donné envie de creuser le sujet d’un point de vue scientifique. Je suis issue de la migration et d’un milieu populaire. J’ai grandi en Suisse romande, mon papa est Vietnamien et ma maman, Chinoise. J’ai appris le cantonais, qui est la langue de ma maman». 

Au niveau méthodologique, la sociologue a emprunté à d’autres disciplines, notamment à l’ethnographie, en réalisant durant plusieurs années de l’observation participante au sein de trois clubs de twirling bâton. Pour compléter sa démarche scientifique, Shia Manh Ly a mené des entretiens individuels avec des membres adultes faisant partie de l’encadrement, ainsi que des entretiens collectifs avec des enfants. «Je me suis intéressée tant aux enfants qu’aux adultes, à la fois dans leurs gestes et leurs paroles». 

Comment se forgent les opinions

La chercheuse poursuit : «Les institutions reposant sur le loisir organisé, par exemple les clubs de sport, qui sont très implantés en Suisse, méritent l’attention des scientifiques, tout particulièrement dans une perspective de production d’identités sociales affirmatives. L’engagement au sein d’associations éclaire les rapports entre la société civile et les institutions. J’ai cherché à ouvrir une réflexion sur la vie associative et sur la manière dont une activité sportive, ici le twirling bâton, peut-être l’espace-temps d’une production du politique». Ou comment le fait d’être membre d’une société sportive locale permet de développer sa capacité de réflexion sur soi-même ainsi que son interprétation du monde. Ceci permettant d’aboutir à une compréhension de la société. 

Par exemple, la chercheuse a pu observer les fillettes ajuster leur comportement lorsque les exigences liées à la pratique du twirling bâton s’élevaient. «Ces jeunes filles ont développé des stratégies pour s’adapter aux obstacles. Un autre aspect très central dans le twirling bâton est la lutte permanente pour la survie du club. Les membres luttent constamment pour obtenir une certaine reconnaissance et sont en recherche constante de matériel et de salles. Il existe une certaine fragilité et un espoir de reconnaissance, souvent déçu, car la discipline est peu connue du public, populaire et pratiquée par des femmes».  

Répartition des tâches

Selon Shia Manh Ly, on observe des réalités en partant à la base d’un terrain dit «banal» et essentiellement féminin, très local puisque le twirling bâton se pratique à l’échelle du quartier, du voisinage, du quotidien. «On pratique souvent cette discipline de mère en fille, ou alors on y est initiée par une voisine, une amie, une tante. Et dans les clubs, les femmes sont habituellement orientées vers les tâches liées au «care», à savoir le fait de prendre soin de l’autre, et notamment des enfants». Si les messieurs sont aussi présents dans l’univers du twirling bâton, c’est plutôt au niveau des comités de clubs ou encore des aspects techniques liés à la pratique de ce sport. «On observe réellement une répartition des tâches». 

Contact :

Shia Manh Ly
Docteure en sociologie
[email protected]


Coordonnées de contact complètes dans le communiqué au format PDF

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© Adriano LICI NI

Thèse de Mme Ly:

«D’une socialité populaire à l’interprétation du monde. Une ethnographie de trois clubs de twirling bâton en Suisse romande sous l’angle de l’engagement collectif», 2023, Shia Manh Ly.