Communiqué
Neuchâtel connaissait encore la torture au XIXe
16 septembre 2021
Un travail universitaire fait la lumière sur une affaire de condamnation à mort survenue à Neuchâtel au début du XIXe siècle. Pour faire avouer à un faux-monnayeur neuchâtelois ses méfaits, les autorités d’alors ont en effet eu recours à la torture. Ce traitement a provoqué un scandale du côté de Berlin et du Roi de Prusse, alors souverain de la Principauté de Neuchâtel. Et pour cause : la torture est abolie dans le Royaume de Prusse depuis 1740.
Dans son mémoire de Master en droit intitulé Évolution du droit criminel à Neuchâtel sous l’Ancien Régime, à l’aune de l’affaire Schallenberger, Jules Aubert, étudiant de la Faculté de droit, décrypte un fait divers qui viendra bouleverser la relation entre le roi et l’administration neuchâteloise. Il sera le déclencheur d’une profonde transition institutionnelle dans la Principauté de Neuchâtel.
En 1814, après une succession d’évènements historiques improbables - à l’instar de Napoléon Bonaparte prenant les rênes de la région pour un temps -, Neuchâtel se retrouve en mains prussiennes. Mais alors que la Principauté avait jusqu’ici bénéficié d’une indépendance totale, les magistrats doivent pour la première fois rendre des comptes à Berlin.
C’est ainsi que le 30 janvier 1815, le dossier du procès de Samuel Schallenberger est transmis au Roi de Prusse. Ce Bernois d’origine a été condamné à mort par la Cour de Valangin pour avoir fabriqué de la fausse monnaie. Le Conseil d’État neuchâtelois expose, avec quelque embarras, qu’il a dû employer la torture pour obtenir les aveux de ce criminel. En Prusse, c’est la consternation. Neuchâtel a encore recours à des méthodes archaïques, comparé au Royaume de Prusse.
Berlin traite alors cette affaire comme si Neuchâtel était une partie intégrante du Royaume qui aurait réussi à conserver une pratique judiciaire propre. Cette approche va considérablement crisper les autorités neuchâteloises et instaurer un climat de défiance entre la Principauté et la Prusse.
Finalement, le Roi de Prusse fera tomber la condamnation à mort et Schallenberger écopera d’une peine de prison de dix ans. Cet évènement constitue un point de bascule dans les discussions qui auront trait à la réforme du droit criminel à Neuchâtel. Les magistrats de la Principauté parviendront cependant à paralyser pratiquement toutes les évolutions. C’est finalement la jeune République, en 1848, qui concrétisera l’ensemble des projets initiés à la suite de cette fameuse affaire.
Quatre sanctions principales
Aux XVIIIe et XIXe siècles, la Principauté de Neuchâtel prévoit quatre sanctions principales : les peines afflictives, le bannissement, la prison et la peine de mort. «Elles sont toutes - à l’exception de la prison, utilisée de manière marginale - ancrées dans une approche du droit qui semble archaïque et dépassée, précise Jules Aubert. Si l’on se réfère à un texte rédigé par Frédéric II, on constate que l’idéal législatif qui règne dans son royaume est guidé par une modernité autrement plus évoluée que celle qui prévaut dans la Principauté.»
Contact :
Jules Aubert
Etudiant à la Faculté de droit
Tél. +41 79 943 59 32
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Visite de Frédéric-Guillaume III à Neuchâtel le 12 juillet 1814
Photo : Jules Aubert, coll. privée
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Référence :
Jules Aubert, Évolution du droit criminel à Neuchâtel sous l’ancien régime, à l’aune de l’affaire Schallenberger, Mémoire de maîtrise universitaire en droit (Master of Law), sous la direction du Prof. Jean-Philippe Dunand, Université de Neuchâtel, 2021