Communiqué
en cette époque de crise, la fête de Noël a-t-elle encore un sens?
Neuchâtel, le 17 décembre 2008. Alors qu'elle travaillait à l'Institut de psychologie et éducation de l'Université de Neuchâtel, Nathalie Muller Mirza a mené une étude sur le sens de Noël. Quelles en sont les dimensions familiales? Comment les migrants vivent-ils cette période hautement symbolique loin de leur pays? Un travail fouillé sur une fête qui existait déjà avant la naissance de Jésus. Et qui ne reste pas insensible aux crises économiques qu'elle traverse.
Il y a une ou deux générations, on avait coutume, au Jura, de se «promener à l'air» tout en se rendant à l'église le jour de Noël. Une coutume qui permettait de rencontrer d'autres gens et de boire du vin chaud ensemble. De nos jours, Noël a perdu une grande partie de son caractère communautaire. La crise environnante va-t-elle lui redonner le goût du partage?
D'un point de vue historique, l'hypothèse n'est pas si farfelue. Noël n'a pas toujours été fêté au niveau quasi exclusivement familial, comme c'est aujourd'hui le cas. Dans l'étude qu'elle a menée lorsqu'elle était chercheuse à l'Université de Neuchâtel, la psychologue Nathalie Muller Mirza rappelle qu'il faut attendre le milieu du XIXe siècle pour que la famille s'installe véritablement au centre de la célébration de Noël, du moins en France et en Angleterre. L'industrialisation galopante chasse alors des milliers de paysans de leurs campagnes et génère des millions de déshérités. Dans ce contexte économique difficile, la charité devient fondamentale et s'ajoute au besoin de resserrer les liens familiaux pour former la trame sur laquelle se brodent les festivités de fin d'année. Après quelques ajustements, le modèle se fixe dès le début du XXe siècle avec sapin illuminé, cadeaux échangés entre proches et compassion envers les plus démunis.
La chercheuse a collaboré dans son étude avec l'Institut de Théologie Pratique de l'Université de Berne et avec le Bureau du délégué aux étrangers du canton de Neuchâtel. Elle a également bénéficié du soutien apporté par les étudiants de deux séminaires organisés par l'Institut de psychologie et éducation de l'Université de Neuchâtel. Au final, un travail qui décortique le sens de cette fête et regarde également comment les migrants vivent cette célébration loin de leurs origines. Noël, avec ses réminiscences de l'enfance, renvoie en effet forcément au pays d'où l'on vient.
Car Noël joue un rôle important dans la construction identitaire d'une personne. C'est un rite qui permet de s'ancrer dans une tradition. Noël apporte une stabilité bien utile en temps de crise, comme le relève cette mère à qui l'étude donne la parole. S'apprêtant à passer son premier Noël seule avec son enfant, après un divorce, elle raconte comment la mise en place du rituel habituel (sapin et autres préparatifs) constitue pour elle une ressource symbolique réconfortante. Une façon de faire en quelque sorte «comme si rien ne s'était passé».
Mais Noël est aussi l'occasion d'accueillir les nouveaux venus dans la famille. C'est le cas du conjoint ou du partenaire qu'on admet «officiellement» dans le cercle restreint des proches. Mais aussi de l'enfant nouveau-né qui se fait socialiser par cette famille d'ailleurs focalisée sur lui. Noël fait en effet la part belle aux enfants. Ce sont eux les héros de la fête, mais leur place est aussi chargée d'ambivalences.
Nathalie Muller Mirza revient sur le rôle de passeur attribué à l'enfant par Lévi-Strauss. Passeur entre les vivants et les morts, mais aussi acteur lui-même d'un passage. A travers notamment la croyance au Père Noël, l'enfant quitte le statut de non-initié pour investir celui d'initié.
Quoiqu'il en soit, Noël renvoie tout un chacun à son enfance. Souvenirs d'impatiences qui démangent, de cadeaux attendus et/ou obtenus, d'attentes parfois déçues ...
Enfin, il est intéressant de noter le Noël que nous connaissons présente de nombreux points communs avec les fêtes célébrées dans l'Antiquité autour du Solstice, notamment celles dédiées à Saturne: décoration des édifices avec des plantes vertes, échange de cadeaux, festins et liesse populaire, fraternisation entre riches et pauvres... Apparemment, la fixation au 25 décembre remonte à la fin du règne de Constantin, en 336, et aurait été décidée pour des raisons stratégiques. Elle aurait permis de contrer l'installation du culte du dieu persan Mithra, importé par les soldats de l'Asie Mineure. Un culte dont la place prenait de plus en plus de poids et risquait de concurrencer le christianisme primitif.
Nathalie Muller Mirza a conduit cette étude alors qu'elle travaillait comme maître-assistante à l'Institut de psychologie et éducation de l'Université de Neuchâtel. Elle est aujourd'hui chercheuse à l'Institut de psychologie de l'Université de Lausanne.
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