Communiqué
chez les singes, les femelles montrent l'exemple
Neuchâtel, le 19 mars 2010. Chez les singes vervets, les femelles sont plus convaincantes que les mâles dans leur faculté à mobiliser l'attention de leurs congénères. Une biologiste de l'Université de Neuchâtel a démontré, pour la première fois en milieu sauvage, que des gestes destinés à se procurer de la nourriture sont plus souvent copiés par le groupe si c'est une femelle qui en fait la démonstration. Sa recherche vient de faire l'objet d'une publication dans la prestigieuse revue Proceedings of the Royal Society B.
Erica van de Waal est doctorante au Laboratoire d'éco-éthologie à l'Université de Neuchâtel, mais ses expériences se situent sur le terrain en Afrique du Sud, dans la réserve naturelle de Loskop Dam, au nord-est de Johannesburg. Elle y a étudié durant deux ans le comportement des vervets, des petits singes à face noire bordée de poils blancs et couverts d'un pelage gris-jaune-vert, qui vivent là en liberté.
Les vervets sont connus pour leur forte hiérarchisation, tant chez les mâles que chez les femelles. Ils vivent en groupe de 10 à 50 individus. Le but de l'expérience était de voir si le comportement d'un individu dominant face à une situation nouvelle était davantage suivi par les congénères quand c'était un mâle ou une femelle qui y était confronté.
La méthode consistait à présenter aux singes une boîte rectangulaire renfermant un morceau de pomme. La friandise était visible derrière deux portes transparentes situées à chaque extrémité de la boîte, que le singe devait soit soulever, soit coulisser pour saisir sa récompense. « Durant une phase préliminaire, explique la jeune chercheuse, une seule boîte avec une seule porte fonctionnelle était disponible. Elle s'est vite trouvée monopolisée par l'individu dominant. Après 25 démonstrations d'ouverture par le singe modèle, l'expérience pouvait commencer. Plusieurs boîtes étaient alors accessibles et les deux portes fonctionnelles. Le but était de voir si la technique de manipulation (choix de la porte) du modèle était copiée par les membres du groupe. »
L'éthologue neuchâteloise a soumis six groupes à son test. Trois des groupes avaient un modèle mâle et les trois autres, une femelle. Le modèle observe les objets, les triture, tâtonne pour enfin trouver les gestes utiles permettant de parvenir à ses fins.
« Le taux de participation des observateurs augmentait nettement quand c'était une femelle qui faisait la démonstration : environ 80% d'entre eux copiaient le modèle, commente Erica van de Waal. Quand c'était des mâles, l'audience n'était pas du tout attentive. Nous avons analysé beaucoup de paramètres pour expliquer cette différence : le rang social, l'âge ou encore l'agressivité étaient comparables dans les deux cas. C'était juste l'attention envers le modèle qui différait. Les femelles modèles étaient davantage observées durant la manipulation des boîtes. »
L'hypothèse finalement retenue tient à des différences d'ordre migratoire : les femelles restent toute leur vie au sein du groupe où elles sont nées, elles ont vu grandir les plus jeunes, alors que les mâles migrent dès leur maturité sexuelle pour rejoindre d'autres groupes. Les femelles constituent donc le noyau stable du groupe et connaissent bien les ressources en nourriture du territoire. Or, cette expérience était liée à la quête de nourriture. Il paraît dès lors logique que le comportement d'une femelle sera plus aisément pris en modèle que celui d'un mâle du même rang. Erica van de Waal en conclut que la migration n'amène pas forcément un échange d'informations sociales. L'établissement de traditions chez les vervets se ferait par conséquent à l'échelle du groupe et non à celui de la population dans son ensemble.
Contact
Erica van de Waal
Université de Neuchâtel
Laboratoire d'éco-ethologie
Tél. +41 32 718 31 14
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