Communiqué

Quel avenir pour la justice pénale ?

04 octobre 2012

Professeur de droit pénal et de criminologie, André Kuhn s’interroge sur la pertinence du système pénal actuel. Dans un essai publié aux éditions de l’Hèbe, il constate que depuis des milliers d’années, l’être humain sanctionne durement les crimes jugés inadmissibles par la société, tels que le meurtre. Ce qui n’empêche pas, aujourd’hui comme hier, de déplorer toujours des homicides. Comment dès lors envisager un traitement de la criminalité plus efficace ? C’est à cette réflexion qu’invite l’ouvrage d’André Kuhn.

« Osons l’affirmer clairement : le droit pénal d’aujourd’hui est incapable d’atteindre ses objectifs, constate le professeur. On lui prête la capacité de dissuader les criminels potentiels, d’éviter la récidive de ceux qui ont déjà commis des infractions et de permettre à la victime de faire le deuil de ce qui lui est arrivé. Mais s’il était véritablement capable de réaliser tout cela, nous vivrions depuis longtemps dans une société sans crime et dans laquelle aucune victime ne critiquerait plus le système… »

La justice dont rêve André Kuhn offre une large place à la réparation de la faute plutôt qu’à la répression pure et simple. Dans cette vision, on recherche le dialogue entre le criminel et la victime, ou ses proches. « Le but premier est de maintenir la cohésion sociale du groupe, explique André Kuhn ». C’est ainsi que dans des cas de violences sexuelles, il s’agira non seulement de tenter une réparation entre la victime et l’auteur, mais aussi entre la victime et sa famille qui l’aura peut-être rejetée en raison de ce qu’elle a subi. Même en cas de meurtre une telle forme de justice est envisageable. En effet, plutôt que d’envoyer un meurtrier derrière des barreaux pour plusieurs années, on pourrait envisager qu’il s’engage à devenir le soutien financier de la famille de sa victime. Concrètement, la justice réparatrice passe par la création d’une plateforme rendant possible le dialogue entre les différentes personnes concernées par l’infraction. La justice pénale actuelle ne représente clairement pas une telle plateforme, puisqu’elle est conçue pour prendre en charge le coupable et le sanctionner pour ce qu’il a fait.

Prévenir vaut mieux que guérir

André Kuhn ne se contente pas d’une analyse critique du droit pénal. Il propose des pistes pour prévenir les crimes, dans une société où nombreuses sont les tentations d’enfreindre la loi. « Nous créons souvent des situations où l’occasion fait le larron. Aristote affirmait déjà que la proximité entre un auteur et une victime potentielle favorise la commission d’un crime. De même, on vole plus facilement des objets que l’on peut aisément transporter. Ainsi, le vol à l’étalage n’existait pas avant la création des présentoirs dans les magasins. En termes de prévention, il suffirait de réduire le nombre d’occasions pour diminuer le nombre de larrons, et par conséquent, le nombre de crimes commis. »

Et André Kuhn de livrer quelques idées concrètes : « En remplaçant la monnaie par des cartes de crédit ou à prépaiement, on évite les vols d’argent. En coordonnant les heures de fermeture des bars et discothèques avec les heures des derniers transports publics, on évite que des gens ne conduisent en état d’ébriété. C’est ce qu’on appelle de la prévention situationnelle. »

Au niveau du code de la route, des accidents pourraient être évités, non par la peur du gendarme, mais via la technologie. Les GPS, devenus monnaie courante dans les automobiles, détectent à la fois la position et la vitesse du véhicule. Il serait facile de les coupler à un système d’alerte qui émettrait une alarme stridente sitôt que le conducteur commet un excès de vitesse.

La panacée n’existant pas, André Kuhn convient néanmoins qu’il faudrait développer une justice à plusieurs étages qui aurait pour base une approche réparatrice suivie si (et seulement si) nécessaire –c’est-à-dire lorsque la justice réparatrice ne parvient pas à ses fins – par une justice rétributive telle que nous la connaissons actuellement, voire à des peines privatives de liberté lorsqu’une neutralisation s’impose.

Le communiqué au format pdf

Contact :

André Kuhn
Chaire de droit pénal et de criminologie
tél. 032 718 13 23
[email protected]

 

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