Communiqué

Quand Colombier célébrait le mariage d'une future impératrice

12 juin 2012

Au Xe siècle, Colombier devient le théâtre d’un double mariage qui voit un roi italien et son fils épouser respectivement la veuve et la fille de Rodolphe II de Bourgogne. Or, cette dernière n’est autre qu’Adélaïde, laquelle deviendra, un quart de siècle plus tard, la première impératrice du Saint-Empire romain germanique. Cette saga est à lire dans la Revue historique neuchâteloise sous les plumes de Jean-Daniel Morerod, professeur d’histoire du Moyen Age et de la Renaissance, et de Grégoire Oguey, assistant-doctorant en histoire médiévale. Dans cet ouvrage, les deux historiens de l’Université de Neuchâtel commentent les premiers écrits mentionnant des villages neuchâtelois, dont certains sont antérieurs à l’an 1011.

A sa mort en 937, Rodolphe II de Bourgogne est à la tête d’un vaste royaume comprenant la région de Neuchâtel. Le monarque laisse derrière lui une veuve - la reine Berthe -,  et deux enfants âgés d’une douzaine d’années, Conrad et Adélaïde. Ses terres attisent rapidement les convoitises des seigneurs voisins. Ainsi, à peine couronné pour prendre la succession du souverain bourguignon, le jeune Conrad est enlevé par le roi Othon de Germanie.

En réaction à cet enlèvement, Hugues d’Italie choisit une approche plus… romantique. Il se rend dans le royaume de Bourgogne en compagnie de son fils Lothaire. Son plan ? Un double mariage pour allier durablement sa famille au royaume de Bourgogne et damer le pion à son rival germanique. Au château de Colombier, Hugues épouse la reine Berthe, tandis que Lothaire s’unit à Adélaïde. Une fois les noces consommées, les deux rois et leurs épouses partent pour l’Italie. De son côté, Conrad est apparemment traité avec tous les égards dus à son rang pendant sa captivité en Germanie. Libéré cinq ans plus tard, il peut enfin régner sur la Bourgogne, vraisemblablement dès 942.

 « Tout est source de surprise dans cette affaire, notent les historiens. La rapidité d’abord : le mariage se déroula le 12 décembre 937, à peine cinq mois après la mort de Rodolphe II. Tout le monde s’était hâté : les sujets pour couronner Conrad, le roi Othon de Germanie pour kidnapper le nouveau petit roi, les rois Hugues et Lothaire pour épouser Berthe et Adélaïde. Si la volonté des rois de Germanie et d’Italie de prendre le contrôle de la famille royale bourguignonne est évidente, leur raison d’agir est moins claire : aucun des deux n’est intervenu avec une armée ni ne chercha à s’emparer du pays. Ils escamotèrent la famille royale, mais le royaume se géra ensuite lui-même… »

Le plus surprenant toutefois restait à venir. Lothaire meurt en 950. L’année suivante, emprisonnée par le successeur de son défunt mari, Adélaïde s’échappe en se cachant dans un marais. Elle épouse ensuite, en secondes noces… le roi Othon, l’ancien ravisseur de son frère ! Lié à la conquête du royaume d’Italie par Othon, ce mariage hautement politique permet à Adélaïde de devenir, en 962, impératrice du tout nouveau Saint-Empire romain germanique. Lorsqu’Othon meurt en 973, elle lui survivra vingt-six ans. Adélaïde exercera la régence de l’Empire à deux reprises durant quelques années, le temps que son fils, puis son petit-fils, atteignent leur majorité.

Un « monstre architectural »
Bien avant l’existence d’un château à Neuchâtel, le choix de celui de Colombier pour ce mariage n’est pas étonnant. Sis sur le site de l’actuelle caserne de l’armée suisse, c’était un « monstre architectural » datant de l’époque romaine, précise Jean-Daniel Morerod. Mais pour les historiens, un autre lieu du royaume de Bourgogne aurait pu avoir été le siège de l’événement : Colombier-sur-Morges. Des fouilles archéologiques récentes permettent aujourd’hui de trancher. « La reconstitution du site du Colombier neuchâtelois a mis en évidence l’ampleur extraordinaire des bâtiments romains et leur transformation, sans rupture ni abandon, tout au long du Moyen Age. Au Xe siècle, comme avant, comme après, une immense et prestigieuse structure se dressait à Colombier, tout à fait de taille à abriter des noces royales ! », relèvent Jean-Daniel Morerod et Grégoire Oguey. A Colombier-sur-Morges, en revanche, aucune trace archéologique ne permet d’y voir un palais digne d’un tel événement.

Le communiqué au format pdf

Contact :

Jean-Daniel Morerod
Chaire d’histoire du Moyen Age et de la Renaissance
Tél. 032 718 1777
[email protected]


Grégoire Oguey
Chaire d’histoire du Moyen Age et de la Renaissance
[email protected]

En savoir plus :

Jean-Daniel Morerod et Grégoire Oguey
Autour d’un millénaire, les plus anciennes sources neuchâteloises (937-1154)
Revue historique neuchâteloise, t. 3-4 (2011)