Communiqué

La virulence d’un champignon dévastateur des pins enfin décryptée

17 avril 2012

Lassaâd Belbahri, biologiste au Laboratoire de biologie du sol de l’UniNE dirigé par Edward Mitchell, a participé à une vaste étude internationale pour décrypter le génome d’un champignon du genre Heterobasidion, un parasite des pins qui provoque des pertes évaluées à quelque 800 millions d’euros par an dans les forêts européennes. La contribution de Lassaâd Belbahri a permis d’identifier les gènes responsables de la virulence du champignon, un résultat qui ouvre de nouvelles perspectives dans la lutte contre cet agent pathogène hautement dévastateur. La découverte vient d’être publiée dans la revue New Phytologist.

Bête noire des industriels du bois, le polypore du pin doit son funeste succès à deux stratégies de survie particulièrement efficaces. Il se développe tout d’abord sur du bois mort, ce qui est plutôt positif du point de vue écologique, puisque le champignon contribue ainsi à recycler la biomasse. C’est le côté « Dr Jekyll » de l’organisme. Mais il affiche aussi une face bien moins recommandable : un appétit pour les racines des pins vivants et la pourriture blanche qu’il transmet au bois de cœur de ces conifères. Comment expliquer cette schizophrénie ? Pour répondre à cette question, les scientifiques ont procédé à une analyse comparative détaillée du génome du champignon et de son expression entre la forme qui colonise le bois mort et celle qui s’attaque aux arbres vivants.

L’étude a mobilisé plus de cinquante chercheurs représentant vingt-deux laboratoires de par le monde pendant trois ans. Leurs efforts se sont concentrés sur une espèce originaire d’Amérique du Nord, Heterobasidion irregulare. Ce cas a été choisi car il présente une menace particulière pour le continent européen. Arrivé durant la seconde guerre mondiale en Italie dans les caisses (en pin, évidemment) des munitions des GIs, ce champignon a rapidement conquis les pinèdes de la péninsule. « De plus, il forme des hybrides avec la souche européenne, H. annosum, hybrides qui affichent un appétit encore plus grand que l’espèce locale, précise Lassaâd Belbahri. D’où l’urgence d’étudier ce parasite. »

Les scientifiques ont réussi à décrypter l’intégralité du génome du champignon, en comparant les métabolites secondaires, autrement dit les molécules résultant des cascades de réactions biochimiques des deux types d’organismes et en identifiant les gènes respectifs qui les contrôlent. Et le résultat est source d’espoir : en effet, les deux formes du champignon présentent des caractéristiques génétiques différentes, permettant d’envisager des solutions pour lutter contre la phase « Mr Hyde » du parasite, sans toutefois que « Dr Jekyll » n’en prenne ombrage.

« Grâce à ce travail de titan, nous avons identifié les étapes clé du développement de la virulence du champignon, se réjouit Lassaâd Belbahri. Il sera maintenant possible de proposer des inhibiteurs de l’une ou l’autre de ces étapes, et de bloquer par exemple l’activité d’une protéine clé du métabolisme du champignon. On freinerait ainsi son potentiel dévastateur, tout en épargnant son développement sur le bois mort, nécessaire pour maintenir un équilibre au sein de l’écosystème forestier. »
 

Le communiqué au format pdf

Contact

Dr Lassaâd Belbahri
Université de Neuchâtel, Laboratoire de biologie du sol
Tél : 032 718 2252

[email protected]
 

En savoir plus

Référence scientifique :
Olson, Å., Aerts, A., Asiegbu, F., Belbahri, L., et al. (2012),
Insight into trade-off between wood decay and parasitism from the genome of a fungal forest pathogen. New Phytologist. doi: 10.1111/j.1469-8137.2012.04128.x