Communiqué
S’attacher aux traditions – une voie d’avenir ?
06 septembre 2018
En cette Année européenne du patrimoine culturel, un nouvel ouvrage fait le point sur les politiques du patrimoine culturel immatériel en Suisse. Paru dans la collection «Savoir Suisse», ce livre est issu d’un projet de recherche financé par le Fonds national de la recherche scientifique, mené en collaboration avec plusieurs universités et institutions culturelles suisses et dirigé par la professeure Ellen Hertz de l’Institut d’ethnologie.
En 2008, la Suisse a adhéré à la Convention de l’UNESCO pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel. Ce terme regroupe des activités telles que musiques et danses traditionnelles, rites et rituels, savoir-faire artisanaux et connaissances dites populaires. En adhérant à cette Convention, la Suisse s’est engagée à faire l’inventaire du patrimoine immatériel sis sur son territoire, obligation remplie en compilant une «Liste des traditions vivantes en Suisse» qui comporte 199 entrées, disponible en ligne à http://www.lebendigetraditionen.ch/index.html?lang=fr.
Ce livre saisit l’occasion des dix ans de cette adhésion pour faire le point sur le sens et les effets de ce nouveau dispositif patrimonial. Les traditions, les rituels et les pratiques culturelles représentent des facteurs de cohésion sociale et d’ancrage identitaire pour toute collectivité. Cependant, la notion de «tradition» est polysémique et glissante. Elle peut être mobilisée par des forces politiques nationalistes, dans une optique conservatrice, tout comme elle peut nourrir la pensée «alternative» et servir d’outil d’innovation sociale, culturelle et politique. L’ouvrage montre clairement qu’avec la circulation accrue des personnes, des connaissances et des biens que nous expérimentons ces dernières décennies, l’opposition même entre «tradition» et «modernité» n’est plus opératoire.
S’engager à sauvegarder «les traditions vivantes», c’est donc fournir l’occasion d’honorer le passé et de débattre de l’avenir. Célébrer les bucoliques poya fribourgeoises ou récompenser la dextérité admirable des horlogers de luxe n’est que l’expression particulière de questions politiques plus générales: en tant que membres d'une collectivité nationale, que voulons-nous préserver de notre passé pour donner du sens à notre présent mais également et surtout pour penser notre avenir commun ? Comment s’y prendre ? Avec quelle urgence ? A travers une mise en perspective aussi bien ethnographique qu’historique des efforts consentis dans ce domaine, par la Suisse et sur le plan international, les auteurs démontrent que le patrimoine immatériel est un objet politique au sens noble du terme, qui soulève des questions citoyennes de premier ordre.
Contact :
Prof. Ellen Hertz
Institut d'ethnologie
[email protected]