Communiqué

Une bouffée de biodiversité parmi les palmiers à huile

24 mai 2023

Des îlots d’arbres parsèment une plantation de palmiers à huile sur l’île indonésienne de Sumatra, afin de lutter contre l’appauvrissement en espèces inhérent à ce type de culture intensive. En cinq ans, ils ont permis d’accroître significativement la biodiversité de l’exploitation agricole sans en diminuer la productivité. C’est le résultat d’une expérience de longue haleine qui fait l’objet aujourd’hui d’une publication dans la revue Nature et dont la première auteure est Clara Zemp, professeure en biologie de la conservation à l’Université de Neuchâtel.

La transformation des forêts tropicales en plantations de palmiers à huile entraîne des pertes considérables pour la planète, en termes de biodiversité et de fonctionnement écologique. On compte globalement quelque 21 millions d’hectares occupés par cette culture, essentiellement en Indonésie et en Malaisie. Afin d’en atténuer les effets néfastes pour l’environnement, une expérience d'enrichissement de la biodiversité intitulée EFForTS-BEE a été mise en place depuis 2013 à Sumatra sous l’égide de l’Université de Göttingen (D).

En disséminant 52 îlots d’arbres composés de six espèces locales dans une plantation industrielle de palmiers à huile, Clara Zemp et ses collègues ont prouvé que cette stratégie de restauration écologique est prometteuse, avec une logique gagnant-gagnant. «Nous avons été très surpris de voir que les rendements des palmiers à huile au niveau de la plantation ne diminuaient pas», se réjouit Clara Zemp.

L’équipe de scientifiques s’attendait à une détérioration du rendement au cours du temps, en raison des îlots arborés qui auraient utilisé des ressources pour leur propre développement au détriment des palmiers à huile. «Or cela n’a pas été le cas, même cinq ans après la mise en place de l’expérimentation et cela sans augmenter l’apport d’engrais chimiques (aucune substance artificielle n’a été utilisée dans les îlots). C’est une très bonne nouvelle car cela montre que l’industrie a tout à y gagner. Il y a un vrai potentiel pour développer ces pratiques de restauration écologique à grande échelle.»

C’est ici que réside la principale originalité du projet. La plupart des études en écologie qui concernent l’huile de palme s’arrêtent aux constats de la perte de biodiversité et de la dégradation des écosystèmes. «Dans notre étude, nous allons plus loin et cherchons à trouver des solutions sur le terrain, souligne Clara Zemp. Il s’agit d’une approche expérimentale dans laquelle nous testons la mise en place d’îlots arborés pour augmenter la biodiversité et les fonctions écosystémiques.»

Cette approche de restauration écologique est unique au monde, car elle se situe dans un contexte de plantations de palmiers à huile à une échelle industrielle (140 ha). Un design expérimental rigoureux permet de déterminer la composition et la superficie optimales des îlots susceptibles de générer la meilleure restauration écologique possible.

Pour ce faire, Clara Zemp et ses collègues ont, durant plusieurs années, mesuré la diversité des espèces de micro-organismes du sol (bactéries, champignons), d’insectes et d’autres petits invertébrés, de plantes, d’oiseaux et de chauves-souris. «Nous avons aussi quantifié les impacts en termes de régulation du cycle de l’eau, du carbone et des nutriments, de régulation du microclimat, de qualité du sol, de pollinisation et de contrôle des communautés biologiques et des espèces invasives. Très peu d’études sont aussi complètes.»

Ce genre de d’expérience répond à l’objectif de la Décennie des Nations unies pour la restauration des écosystèmes. Il pointe du doigt l’urgence, pour de nombreux paysages agricoles à travers le monde, d’une restauration écologique qui favorise les moyens de subsistance locaux. EFForTS-BEE se déroule ainsi en concertation avec la direction de l’exploitation. «Nous avons travaillé en collaboration étroite avec le manager de la plantation, commente Clara Zemp. C’était indispensable pour le bon déroulement du projet de recherche sur le terrain. Cela nous a aussi aidés à mieux prendre en considération les aspects agronomiques de la plantation et à étudier l’impact de nos essais expérimentaux sur les rendements des palmiers à huile. Cet aspect est primordial pour l’industrie.»

Même si la biodiversité «restaurée» reste différente de celle que l’on trouve dans les forêts intactes, elle est souhaitable pour maintenir des agroécosystèmes fonctionnels. Il n’y a donc aucune raison de ne pas le faire dans les plantations qui sont déjà en place. «Ceci dit, ces résultats encourageants ne doivent pas compromettre la conservation des forêts tropicales qui abritent une biodiversité irremplaçable. Eviter la déforestation doit rester la priorité absolue», tiennent à souligner Clara Zemp et la quarantaine de scientifiques signant l’article paru dans la revue Nature.

Contact :

Prof. Clara Zemp
Laboratoire de biologie de la conservation
Tél. +41 32 718 31 14
[email protected]


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Des îlots d’arbres composés d’espèces locales parsèment la plantation
Crédit image: Watit Khokthong