Communiqué

des vignes envahissantes menacent la biodiversité et l'histoire de la viticulture

Neuchâtel, le 19 juin 2007.  Des vignes d'origine américaine prennent la clé des champs, empiétant sur le territoire de la vigne sauvage européenne. Ce "retour" à l'état sauvage menace la biodiversité et l'histoire de la viticulture. Au terme d'une étude menée le long de la Vallée du Rhône en France, deux biologistes de l'Université de Neuchâtel (Suisse), Claire Arnold et Nils Arrigo, publient un constat alarmant dans la revue scientifique PLoS ONE*.

Depuis des années, Claire Arnold se passionne pour l'étude des vignes sauvages, cousines des ceps qui peuplent nos vignobles. Son terrain de prédilection? Les zones alluviales où elle recueille sarments, feuilles et grappes à des fins d'analyses génétiques. Or, à l'issue d'une étude de Master entreprise par Nils Arrigo en 2006, les biologistes ont constaté que dans la majeure partie de la Vallée du Rhône**, des vignes d'origine américaine occupent les aires habituellement réservées à la vigne sauvage européenne.

"Il s'agit en fait de porte-greffes, échappés de leur vignoble. Ces variétés furent jadis importées pour protéger les vignes européennes du phylloxera, un insecte ravageur", relève la biologiste. Les porte-greffes sont en effet résistants à cet insecte, ainsi qu'à d'autres affections majeures de la vigne (telles que mildiou et oïdium). Les cépages que l'on souhaite cultiver sont alors greffés dessus, et bénéficient ainsi d'une protection. Une pratique largement utilisée de nos jours et en continuel développement.

Mais voilà. Les porte-greffes échappés sont capables de se reproduire par voie végétative, sans pollinisation, mais aussi par voie sexuée entre eux, augmentant encore leur grande diversité génétique. Ils atteignent ainsi les berges des rivières. Les cours d'eau et les oiseaux favorisent la dissémination de leurs sarments et leurs graines qui peuvent former de nouvelles populations tout en chassant les occupants ancestraux. "Les porte-greffes affichent toutes les caractéristiques des plantes envahissantes et on peut craindre leur expansion incontrôlée", s'inquiète Claire Arnold.

Leur présence est déjà signalée dans trois des quatre milieux habituels de la vigne sauvage en Europe. Qui plus est, ils ont été sélectionnés pour être parfaitement adaptés aux différentes régions viticoles. Cette robustesse leur permet de s'imposer au détriment d'autres plantes. Les porte-greffes sont de plus vecteurs de maladies qu'ils peuvent transmettre à la vigne sauvage, l'affaiblissant davantage encore. Enfin, il faut également évoquer le risque de croisement avec la vigne sauvage. "Heureusement, aucun hybride entre porte-greffes et vignes sauvages européennes n'a encore été observé," tempère la biologiste. Mais si cela arrivait, ce serait une perte considérable du point de vue historique, la vigne sauvage étant un ancêtre des vignes cultivées.

Les porte-greffes échappés représentent donc un potentiel invasif à surveiller de près, concluent les chercheurs. Qui poursuivront leurs investigations par une étude détaillée d'un tronçon de la vallée du Rhône visant à recenser tous les porte-greffes adultes et juvéniles, pour en observer l'implantation et l'expansion.

*Article original :
Arrigo N, Arnold C (2007) Naturalised Vitis Rootstocks in Europe and Consequences to Native Wild Grapevine. PLoS ONE 2(6): e521.

**Régions examinées: Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte d'Azur, Languedoc-Roussillon

Contact

Dr Claire Arnold
Université de Neuchâtel
NCCR Plant Survival Scientific Coordinator
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Tel +41 32 718 25 03