Communiqué
le parcours du combattant de l'épicéa
Figure emblématique des forêts de montagne, l'épicéa est au coeur de la dynamique des pâturages boisés. Combinant observations sur le terrain et analyses statistiques, un chercheur neuchâtelois a déterminé les facteurs qui conditionnent les différentes étapes de la régénération et de la croissance de l'arbre. Ses conclusions couronnent une thèse de doctorat réalisée avec le soutien du Pôle de recherche national (NCCR) Survie des plantes.
A l'heure où certains experts prédisent le déclin de l'épicea (Picea abies) en raison des changements climatiques, l'étude de Daniel Béguin, biologiste à l'Université de Neuchâtel et au WSL (Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage) vient à point nommé. Elle confirme l'existence de plusieurs phases critiques dans la régénération de cet arbre.
Car, avant de devenir un géant des forêts de montagne, le résineux doit faire sa place comme simple plantule ne dépassant pas la taille des herbes environnantes. Grâce à leurs larges branches basses, les épicéas adultes offrent souvent un abri de choix pour les jeunes pousses. Celles-ci se trouvent ainsi protégées de la dent du bétail. L'élagage des arbres peut alors compromettre la survie des générations suivantes.
La même remarque, indique le professeur Jean-Michel Gobat, directeur de thèse, vaut pour les buissons d'épineux qui, quand ils peuvent se développer autour des souches, servent aussi de protection contre l'abroutissement : en offrant à l'épicéa la possibilité de se développer en leur sein, ils fournissent une belle illustration du principe de facilitation. En effet, à mesure que le résineux grandit, il vole la part de lumière à son bienfaiteur des premiers jours. Résultat: le buisson d'épineux se rabougrit. Il faut donc éviter d'éliminer trop de buissons dans les pâturages si l'on veut assurer la régénération naturelle du boisement.
Daniel Béguin démontre également la nécessité de préserver les petites structures paysagères. Les talus, les affleurements rocheux, les souches laissées après la coupe constituent autant de sites favorables aux premiers stades de la régénération de l'épicéa.
La principale originalité de ce travail fut d'aborder la croissance de l'épicéa en pâturage depuis le stade de plantule jusqu'à celui d'arbre adulte, et d'en observer les relations avec son milieu, qui intègrent entre autres les perturbations dues au bétail. Comme le souligne le co-directeur de thèse François Gillet, chargé de cours à l'EPFL: «cette recherche à caractère systémique complète utilement les thèses récentes qui ont abordé la question de la facilitation de la régénération par une approche expérimentale et réductionniste».
Pour parvenir à ses fins, le biologiste a quadrillé durant cinq ans deux sites du Parc jurassien vaudois et du Jura neuchâtelois. Passant du décimètre carré à l'échelle de l'hectare, il a su associer une démarche de naturaliste, basée sur l'observation, à une approche statistique pour le traitement de ses données patiemment accumulées. La synthèse de ses observations permet de reconstituer le véritable parcours du combattant de l'épicéa en pâturage, tout en revisitant des concepts clés de l'écologie végétale.
Contact
Dr Daniel Béguin
Parc jurassien vaudois
St-George VD
Tél 022 366 51 70
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