Communiqué
poissons nettoyeurs : les mâles font la loi !
Neuchâtel, le 7 janvier 2010. Chez les poissons nettoyeurs, les femelles qui mordent leurs clients sont prises en chasse par les mâles. Ainsi punies, elles ont moins tendance à reproduire leur forfait, laissant aux mâles une meilleure nourriture. C'est la principale conclusion d'une étude menée par un biologiste de l'Université de Neuchâtel, en collaboration avec des chercheurs britanniques et australiens. Leurs résultats sont publiés ce vendredi dans la revue Science*.
Professeur d'éthologie à l'Université de Neuchâtel, Redouan Bshary étudie depuis de nombreuses années le comportement du poisson nettoyeur Labroides dimidiatus. Avec sa consoeur de l'Université du Queensland Alexandra S. Grutter, il avait par le passé déjà mis en évidence que ces petits poissons, d'une dizaine de centimètres de long et qui font office de véritables stations de nettoyage pour la faune des récifs coralliens, avaient avantage à travailler en couple.
Leur rôle consiste à débarrasser les clients des ectoparasites qui prolifèrent sur les écailles des clients (poissons perroquets, labres, poissons chirurgiens, mérous ou autres morues). Mais la tentation est grande de mordre la chair, afin d'y goûter l'appétissant mucus, bien plus savoureux que les parasites de la surface. La sanction est alors sans appel : soit le client poursuit le fauteur de trouble, soit il s'en va se faire nettoyer par un individu plus consciencieux.
A l'heure de régler leurs comptes, femelles et mâles des labres nettoyeurs ne sont cependant pas égaux devant la tricherie. Même s'il mord le client, le mâle ne sera jamais inquiété par la femelle en raison de sa taille imposante. Il en va tout autrement de la femelle qui cède à la tentation : bien plus petite, elle sera systématiquement prise en chasse par le mâle mécontent. Toute femelle réprimandée évitera ensuite de tricher par crainte des représailles masculines.
Du point de vue méthodologique, les chercheurs ont mis en place un dispositif astucieux pour imiter la nature en laboratoire. Les clients y sont représentés par des plaques de plexiglas recouvertes de deux sortes de nourriture. Des flocons de poissons imitent la présence des ectoparasites. Quant au mucus, il est remplacé par d'appétissantes crevettes, la nourriture préférée des poissons nettoyeurs.
Sitôt qu'une femelle touche aux crevettes, la plaque est retirée. Voyant cela, les mâles se mettent plus souvent à pourchasser les femelles fautives, responsables du départ des clients. Dans un deuxième temps, la femelle punie à qui on offre les deux mets en pâture optera pour les flocons de poisson, une décision qui va clairement à l'encontre de sa préférence naturelle.
Au final, le principal gagnant de cette opération reste le mâle nettoyeur : pendant que la femelle (devenue plus coopérative) est occupée à avaler sans enthousiasme les flocons de poissons, le mâle a tout le temps pour se délecter des crevettes délaissées. Ce qui intéresse ici les spécialistes du comportement, c'est que l'individu qui tire profit de la punition n'est pas la victime de la tricherie, mais un tiers. En effet, la victime principale de la morsure est le client, alors que le nettoyeur mâle n'est qu'une victime secondaire. Et c'est lui qui va être payé en retour pour avoir infligé une punition.
« C'est la première fois qu'on met en évidence ce genre de comportement dans le monde animal et qui plus est, chez des poissons, note Redouan Bshary. Le bénéfice de la punition profitera non seulement aux mâles, mais aussi aux clients suivants qui auront moins de risques de se faire mordre en raison de la meilleure coopération des femelles. Ceci explique aussi pourquoi les clients dans la nature préfèrent se faire nettoyer par des couples, plutôt que par des individus seuls. »
*Nichola J. Raihani, Alexandra S. Grutter, Redouan Bshary ; Punishers Benefit from Third-Party
Punishment in Fish ; Science ; January 8, 2010.
Contact
Prof. Redouan Bshary
Université de Neuchâtel
Département d'éthologie
Emile Argand 13
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