Communiqué
Le réchauffement climatique menace les micro-organismes du sol
26 octobre 2023
Une vaste étude internationale menée principalement à l’Université de Neuchâtel (Suisse) révèle que l’amibe à coquille Apodera vas se trouve presque exclusivement dans des régions issues du Gondwana, supercontinent à l’origine de certains continents actuels. L’étude souligne également la menace que le réchauffement climatique fait peser sur la biodiversité des micro-organismes du sol, dont cette amibe fait partie. Ce sont là deux des conclusions formulées par les vingt-huit contributrices et contributeurs à ce travail publié dans la revue scientifique Diversity and Distributions.
«C’est la première fois que la distribution d’une espèce de micro-organisme est modélisée de la sorte à l’échelle globale», se réjouit le coordinateur de l’étude Edward Mitchell, professeur à la tête du Laboratoire de biodiversité de sol et directeur de thèse d’Estelle Bruni, première auteure de l’article scientifique avec Olivia Rusconi, ancienne doctorante du même laboratoire. La distribution géographique de cette amibe terrestre montre une présence bien plus marquée dans des forêts et des tourbières vestiges du Gondwana, le supercontinent datant d’il y a environ 200 millions d’années et qui, en se fracturant, a donné naissance aux continents actuels de l’hémisphère sud et de l’Inde.
A l’encontre d’un dogme
Ce résultat va à l’encontre d’un dogme qui prévalait dans la communauté scientifique et qui supposait que les micro-organismes sont présents un peu partout dans le monde. C’est grâce à l’abondance de données existantes sur cet unicellulaire facilement identifiable au microscope que les scientifiques ont pu compiler plus de 400 points géographiques publiés sur plus d’un siècle.
Conclusion? L’espèce est bien présente dans les régions de l’ancien Gondwana, mais absente du reste du monde, y compris dans des territoires comme les îles britanniques, bien étudiées depuis plus d’un siècle et où le climat serait très favorable à cette espèce. «Il est donc impensable que la communauté scientifique ait pu passer à côté de spécimens d’une espèce tellement facile à identifier et commune dans les tourbières et les forêts», souligne Edward Mitchell, investigateur principal de l’étude.
Rétrécissement des habitats
Un modèle de niche climatique a permis en outre aux scientifiques de mettre en évidence que les habitats favorables à cette espèce d’amibe se sont passablement rétrécis lors de la dernière glaciation (il y a environ 21'000 ans). En raison du réchauffement global, le rétrécissement des aires propices à l’amibe s’aggravera drastiquement d’ici la fin du XXIème siècle.
«Notre étude pose ainsi pour la première fois la question des menaces pesant sur la biodiversité microbienne en raison du réchauffement climatique, conclut Edward Mitchell. Nos résultats suggèrent qu’à l’image de l’emblématique amibe à coquille Apodera vas, de nombreuses espèces de micro-organismes sont potentiellement endémiques de petites régions et donc potentiellement menacées d’extinction par les changements climatiques en cours».
Contact :
Estelle Bruni
Assistante-doctorante
Laboratoire de biodiversité du sol
Tél. +41 32 718 31 16
[email protected]
Prof. Edward Mitchell
Directeur
Laboratoire de biodiversité du sol
Tél. +41 32 718 23 45
[email protected]
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Référence scientifique :
Bruni, E. P., Rusconi, O., Broennimann, O., Adde, A., Jauslin, R., Krashevska, V., Kosakyan, A., Armynot du Châtelet, E., Alcino, J. P. B., Beyens, L., Blandenier, Q., Bobrov, A., Burdman, L., Duckert, C., Fernández, L. D., Gomes e Souza, M. B., Heger, T. J., Koenig, I., Lahr, D. J. G., McKeown, M., Meisterfeld, R., Singer, D., Voelcker, E., Wilmshurst, J., Wohlhauser, S., Wilkinson, D.M., Guisan, A. & Mitchell, E. A. D. (2023). Global distribution modelling of a conspicuous Gondwanian soil protist reveals latitudinal dispersal limitation and range contraction in response to climate warming. Diversity and Distributions, 1–21. https://doi.org/10.1111/DDI.13779