L’importance de la mémoire paysanne
02.05.2023 | Vie sur le campus | Flavio Rossi
À qui pense que l’Histoire se préoccupe uniquement des châteaux, des épées et des cartes de répartition coloniale, je propose également la ferme, la charrue et les carnets des pluies saisonnières. L’histoire paysanne dans le Canton de Neuchâtel est bien vivante et le Musée Paysan et Artisanal de la Chaux-de-Fonds la valorise avec ses expositions.
Une brève présentation du musée
Il est toujours utile de rappeler que la plupart des gens n’ont jamais vécu les grands événements reportés dans les sources historiques, mais ont passé une vie ordinaire et tranquille à l’abri sous d’un toit, en partageant leur espace avec des vaches, en travaillant sous la pluie battante ou la chaleur écrasante du soleil. En 2022, le Musée Paysan et Artisanal a fêté son cinquantième anniversaire avec une exposition d’exception : « 50 Ans, 50 Expositions, 50 Collections », qui reparcourait son histoire et les thématiques traitées dans un ordre chronologique. Pour l’occasion, j’avais interviewé Diane Skartsounis, la conservatrice du musée : notre conversation a porté sur plusieurs enjeux liés à la petite muséographie, aux fonds et à l’intérêt – très maigre – que l’histoire paysanne suscite auprès des étudiantes et étudiants universitaires.
Le musée a été fondé en 1972 par André Tissot, à l’époque préoccupé par l’état de décadence dont versaient certaines fermes. Les premières expositions se limitaient à présenter des objets en fonction de leur usage, sans vraiment se rapprocher d’un discours historique. Avec l’arrivée de Diane Skartsounis, il y a trente ans, quelque chose a changé.
Les objectifs du musée restent les mêmes : c’est-à-dire mettre en valeur le patrimoine des montagnes, de mettre en valeur les savoir-faire, des métiers qui sont gentiment oubliés ou – dans certains cas – deviennent très rares.
Le musée reste physiquement le même, mais l’approche muséologique a bien évolué : les expositions proposées ont intégré des sujets plus variés – parfois avec un certain humour. Le musée a ensuite proposé des activités ludiques, culturelles et informatives sur le musée et son histoire, avec une immersion des visiteurs dans les activités quotidiennes du temps. Une petite note amère s’insinue dans la conversation : le monde paysan semble être laissé de côté par les chercheuses et les chercheurs, tout comme les étudiantes et étudiants universitaires, qui préfèrent s’intéresser à d’autres thématiques.
L’importance de la mémoire paysanne
Le Musée Paysan et Artisanal de la Chaux-de-Fonds est, à mon avis, un établissement très important dans le réseau muséal neuchâtelois. Plusieurs raisons m’ont porté à raisonner sur ce constat et je souhaite présenter trois motivations principales : l’approche micro-historique, l’interdisciplinarité et l’esprit collaboratif.
Pourquoi une approche micro-historique ? La vie de tous les jours n’est pas mesurée par les grandes conquêtes géographiques ou scientifiques, même si ces événements peuvent avoir un impact important. Je parle ici d’une vision plus intime de l’histoire, où le vécu personnel s’inscrit dans un réseau de petites conquêtes journalières. L’étude des habitudes des habitantes et habitants du canton nous aide également à comprendre les évolutions technologiques et les mœurs, la continuation ou la disparition des traditions qui auraient également influencés les neuchâteloises et neuchâtelois d’aujourd’hui. Les connaissances pratiques deviennent une partie importante des expositions et reflètent le savoir-faire des habitantes et habitants de la région. Les objets deviennent des témoins silencieux des travaux effectués, des expériences acquises et des progrès technologiques.
Nous ne pouvons pas citer la pratique et ce savoir-faire sans porter l’argument de l’interdisciplinarité. La et le paysan moyen devait être météorologue, ouvrière-er, zoologue ou vétérinaire, mécanicien-ne, commerçant-e et même étudiant-e. Les expositions représentent cette diversité avec une approche critique et tissent un fil rouge qui lie les nombreuses expertises demandées par la vie à la ferme. Je pense que le travail académique doit maintenir une approche interdisciplinaire afin d’enrichir la vision d'ensemble de la société. ; le monde paysan offre une palette très riche à étudier et permet de dresserde nouveaux ponts pour mieux comprendre l’histoire du canton.
Enfin, c’est l’esprit collaboratif qui anime le musée à rendre spécial chaque exposition. L’Histoire passe également par les contributions contemporaines des volontaires. et des bénévoles du musée, par le don de collections et le précieux soutien des donateurs et donatrices. Les visiteurs ont donc la possibilité de visiter une exposition dont la mémoire demeure bien vivante et continue à évoluer. Diane Skartsounis se rend également compte de ces changements, avec sa vision muséologique dynamique et très riche, en donnant à chaque exposition une identité unique. Le Musée Paysan et Artisanal n’a pas dérivé de ses objectifs, il a justement évolué en fonction du temps et des perceptions de la société contemporaine ; j’invite donc les étudiantes et étudiants – tout comme l’ensemble de la communauté universitaire – à visiter le musée et découvrir les milles facettes du monde paysan neuchâtelois.
Informations sur le musée
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