Écrire avec l’intelligence artificielle

28.11.2023 | Méthodes de travail | Sara Cotelli Kureth

 

UNINE_BLOG-chat-gpt-6.pngLes outils d’IA générative sont en train de modifier profondément le processus d’écriture. Mais leur utilisation ne va pas de soi si on veut obtenir un résultat qui nous satisfait.


Les utilisatrices et utilisateurs d’outils d’IA générative, comme ChatGPT, savent que ceux-ci sont pratiques à tous les niveaux du processus d’écriture : pour générer des idées, pour écrire le texte, mais aussi pour traduire, corriger ou reformuler un texte qu’on aurait déjà rédigé. Nous n’avons encore que peu de recul sur l’emploi de ces outils, mais cela fait un moment déjà que des technologies similaires génèrent des textes dans d’autres langues, les traducteurs automatiques neuronaux (TAN). Nous pouvons ainsi nous appuyer sur les résultats de recherches scientifiques sur les TAN pour comprendre comment manier l’IA générative pour la rédaction scientifique.

Comme pour la plupart des outils gratuits, un des premiers problèmes qui se pose est celui de la protection des données. Les textes que nous mettons dans ces outils sont conservés, sans aucune transparence, par des entreprises privées. Pour cette raison, il est toujours important de réfléchir avant de traduire ou faire corriger par un outil gratuit quelque chose que nous avons écrit. Nous « payons » le plus souvent le service par la transmission de nos données.

La plupart des utilisatrices et utilisateurs en sont conscients : les outils d’IA générative ne sont pas parfaits et produisent parfois des hallucinations (des non-mots pour les traducteurs ; des informations erronées pour ChatGPT ; des phrases grammaticalement problématiques pour les deux). Il est donc crucial de relire attentivement ce qui est proposé par l’IA générative avant de s’en servir. Cette relecture est souvent sous-estimée par les utilisatrices et utilisateurs qui n’ont pas été formés à cet exercice. En comparaison, les traducteurs qui relisent le produit de l’IA ont montré que cette tâche prend du temps et est cognitivement complexe. Deux concepts expliquent ces difficultés : l’amorçage et la fausse aisance.

L’amorçage, ou priming en anglais, désigne simplement le fait que lorsqu’on présente à notre cerveau une façon de dire quelque chose, cela demande un effort cognitif important pour créer une autre formulation. Pour cette raison, nous avons tendance à nous focaliser uniquement sur la correction de la grammaire et de l’orthographe et nous ne faisons pas l’effort supplémentaire de nous interroger sur le sens exact du texte produit. C’est ici qu’intervient la fausse aisance, false fluency en anglais. Il a été démontré que les relecteurs et relectrices vont faire confiance à un texte bien écrit qui présente très peu d’erreurs grammaticales et orthographiques, comme l’output de la TAN et de ChatGPT : si la forme est bonne, le contenu doit l’être aussi. Or, nous savons très bien que ce n’est pas le cas et il y a beaucoup de chance que l’IA nous fasse dire, parfois, des choses que nous ne souhaitions pas dire. Ce danger est encore plus important lorsqu’on demande à un outil d’IA générative de revoir ou reformuler un texte à notre place. La révision de cette relecture prend énormément de temps si on veut s’assurer que le texte dit toujours vraiment ce que l’on souhaite qu’il dise. Une meilleure solution serait d’utiliser un compagnon d’écriture comme DeepLWrite (uniquement disponible pour l’anglais et l’allemand aujourd’hui) qui permet un suivi des corrections effectuées et, avec l’option pro payante, garantit la protection des données.

D’une manière générale, si nous souhaitons être en charge du texte que nous écrivons, l’utilisation de l’IA générative pose plusieurs problèmes. Ceux-ci ne sont pas insurmontables, mais ils montrent que ChatGPT n’est pas un raccourci pour créer des textes rapidement. En effet, les utilisatrices et utilisateurs prendront d’une part beaucoup de temps à composer des prompts assez détaillés, contextualisés et informatifs pour obtenir un bon résultat de la part de la machine et ensuite, ils et elles devront s’atteler à la longue et difficile tâche de relecture attentive du texte pour vérifier qu’il dit exactement ce qu’ils et elles veulent qu’il dise.

Pour ma part, je recommande surtout d’utiliser l’IA générative pour des tâches moins importantes en matière de contenu, comme la mise en forme de la bibliographie ou alors dans le cas d’une peur de la page blanche, pour lancer le processus d’écriture. Apprendre et développer une aisance à l’écrit est un des processus d’apprentissage clé d’une formation universitaire et cela demande du temps et de la patience. Il serait dommage de court-circuiter ce processus par l’utilisation massive d’outils mal gérés.

 

Liens

https://www.deepl.com/fr/translator

https://openai.com/blog/chatgpt

https://fr.cedille.ai/blog/the-largest-language-model-in-french


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Biographie

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Dr Sara Cotelli Kureth
Directrice du Centre de langues (CdL)

www.unine.ch/cdl
 

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