Les étapes de relecture d’un écrit académique (3/3)

29.11.2022 | Méthodes de travail | Camillia Salas

 

UniNE-BLOG-relcture-3.pngLe gueuloir est une technique de lecture à très haute voix qui permettait à Flaubert de satisfaire son exigence stylistique, comme en témoigne ses confidences à Louise Colet.

 

La tête me tourne et la gorge me brûle d’avoir cherché, bûché, creusé, retourné, farfouillé et hurlé, de cent mille façons différentes, une phrase qui vient enfin de se finir. Elle est bonne, j’en réponds ; mais ça n’a pas été sans mal !

Gustave Flaubert Lettres à Louise Colet, 25-26 mars 1854

 

Cette méthode de relecture consiste à rugir sa prose de façon à repérer la disharmonie de l’écrit au travers du son : chaque adjectif mal placé, chaque proposition mal construite syntaxiquement irrite le larynx et heurte l’oreille (Lebrave, 2002). Si cette pratique peut vous aider dans votre relecture, elle ne suffit pas à elle seule pour gommer les traces de soi dans le discours selon les attentes génériques d’un écrit académique (renvoi partie II).

La relecture permet de gérer l’inconfort de l’écriture en se confrontant à la réalité du produit écrit. Elle prend nécessairement du temps, car l’exercice implique une réécriture de plusieurs phrases, voire de certains paragraphes. Malgré son aspect chronophage, cette pratique reste la méthode la plus efficace pour améliorer en conscience la qualité de votre écrit. Pour ce faire, la relecture intervient selon trois niveaux et est à appliquer selon les lacunes rédactionnelles de chacun. Il évident que meilleures sont vos techniques rédactionnelles, moins la relecture sera dense. Il se peut aussi que vous souhaitiez rendre votre texte le plus intéressant possible pour votre lecteur, ce qui vous motivera également à persévérer dans la relecture.

 

1. Le texte

Dans un premier temps, vous pouvez regarder si la mise en page est conforme aux attentes de l’enseignement, de l’institut et de la consigne : respect des normes rédactionnelles (texte justifié, taille de la police, interligne, alinéa, normes références bibliographiques, etc.), bonne compréhension de la consigne de l’exercice (essai, analyse argumentée, introduction, synthèse, etc.). Dans un second temps, il s’agit d’effectuer une lecture globale du travail où vous confirmez la présence de toutes les parties et sous-parties devant structurer le texte (introduction, développement, conclusion ou forme IMRAD, etc.). Il faut également examiner la justesse et la clarté de la question de recherche et insister sur la pertinence des buts et des enjeux de la recherche. Enfin, vous analysez la cohérence du plan avec la question de recherche proposée : est-ce que mon plan permet de répondre à la thèse que je défends ? Les paragraphes de mon écrit rendent-ils bien compte du plan proposé en introduction et répondent-ils effectivement à la question de recherche ?

 

2. La phrase

Plusieurs éléments sont à considérer dans une lecture phrase par phrase. Tout d’abord, il s’agit de veiller à la cohérence et à la cohésion textuelle d’un écrit qui nécessitera obligatoirement la réécriture de certaines phrases. Cet exercice consiste à s’assurer que les reprises anaphoriques sont justes et variées, que la construction syntaxique de votre phrase est correcte (composants de la phrase complexe ou simple respectés, choix d’une phrase complexe ou simple selon la densité informationnelle du contenu, concordance des temps à l’indicatif ou au subjonctif, etc.), que les connecteurs traduisent bien la relation logique prévue (opposition, cause, conséquence, concession, etc.), que les organisateurs textuels sont homogénéisés (d’une part et d’autre part ; tout d’abord, puis, enfin, etc.). Après la réécriture, la ponctuation entre les unités syntaxiques pourra être retravaillée selon les besoins. En résumé, cette partie est la plus délicate et nécessite de s’armer de courage et de patience : d’un côté, en tant que scripteur, on réalise que ce qui est clair dans notre tête ne l’est plus forcément sur le papier ; de l’autre, on prend conscience de l’exigence nécessaire dans le travail d’écriture et de réécriture. Cependant, plus le travail de relecture est intégré dans votre planning de rédaction, moins la pratique sera douloureuse et il deviendra plus efficace, car il fera partie de votre gymnastique cérébrale. Ensuite, il s’agit de relire à nouveau chaque phrase en insistant cette fois sur la progression dans le discours. Pour ce faire, il est important de vérifier les enchainements des idées ; la pertinence des liens logiques, de s’arrêter sur la compréhension des phrases : est-ce que je comprends ce que je lis, sinon, est-ce que c’est explicité à la phrase suivante ? Est-ce que mon lecteur devra fournir un effort cognitif trop important pour comprendre ce que je dis ?

 

3. Le mot

Au niveau du mot, on travaille davantage sur la signification et sur le choix du mot : est-ce que le mot convient au contexte) (vague, précis, registre appartenant au genre de discours académique, etc.) ; est-ce que le mot choisi existe selon le sens ? (anglicismes, impropriétés, barbarismes (mots inexistants)). De plus, si vous faites le choix du langage épicène, il est impératif qu’il soit présent dans toutes vos constructions et qu’il soit harmonisé. Après les modifications apportées, il s’agit de terminer la relecture en contrôlant l’orthographe : vérification des accords (noms, verbes, adjectifs, participes passés), vérification de la typographique (italique, guillemets, texte, mise en relief, etc), vérification des fautes de frappes et vérification des notes de bas de pages.

Si vous souhaitez faire l’expérience de la relecture, mais que vous rencontrez des difficultés ou des doutes, vous pouvez toujours m’écrire un mail ou vous inscrire au cours-TP AEC, si votre plan d’études le permet. De plus, le centre collégial de développement de matériel didactique a mis en ligne une grille permettant de vérifier la plupart des aspects abordés ici. Bonne pratique !

 

Références bibliographiques

Centre collégial de développement de matériel didactique (CCDMD). Une méthode de relecture en trois étapes. En ligne, URL : https://www.ccdmd.qc.ca/fr/pdf/MDR.pdf

Flaubert G., (2003). Lettres à Louise Colet. Editions Magnard.

Lebrave, J. L. (2002). « De la substance de la voix à la substance de l'écrit ». Langages, (147), 8-18.


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Biographie

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Camillia Salas
Chargée d'enseignement
Institut des sciences de la communication et de la cognition
Chaire linguistique et analyse discours

www.unine.ch/iscc

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